فين غادي نقـــرا
Les études, au Maroc, on n'y comprend rien. On dirait que
l'imaginaire se met en marche vers un univers chimérique. Ça ressemble beaucoup au monde fantastique d'Oz,
où se passe des choses, auxquelles personne ne comprend rien
!
Mes parents ne me donnaient jamais d'argent. Ils se
méfiaient un peu trop de ma liberté. Une liberté qu'il me semblait illégitime de
revendiquer. C'était un fait connu, dès qu'un de mes frères encaissait quelques
dirhams, il les picolaient. Au milieu de la nuit, ils partageaient leurs
calamités, autour de l'unique bouteille de Merlot qu'ils mettaient des heures à vider. Lorsqu'ils
avaient absorbé un peu trop vite leur breuvage, rouge, ils gravissaient ainsi, par une
perte de raison, l'exaltation d'une vie, sans doute meilleur. Mes frères n'étaient pas
vraiment méchants. Ils étaient peut être pauvres, et peu instruits. " Mes
fils ont hérité de ma pauvreté, et de mon ignorance " disait mon père. Un
seul espoir lui restait, la conscience de m'instruire.
Je
me suis lancé dans l'écriture lorsque je fréquentais le lycée du " cha3b".
Mes professeurs qui ne pensaient pas que j'étais l'auteur de mes écrits, me prenaient
tous pour un tricheur. Comment un jeune marocain qui sentait les croquettes de
thon, dont le père n'était qu'un chauffeur de taxi, pouvait débattre de la liberté
chez Descartes, et palabrer les théories
de la conscience selon Hegel? Bien sûr, les pauvres ne doivent pas s'instruire.
Je me suis attaché à leur prouver que j'étais assez intelligent pour réussir mon bac, la voie suprême
pour accéder aux grandes écoles, et ainsi devenir quelqu'un. J'avais du mal à m'identifier aux jeunes
de mon âge. Il m'arrivait de faire quelques détours, dans ces pubs selects, situés
dans ces quartiers réputés riches. De bien belles voitures que j'aurais aimé
incendier au fioul. De bien jolies têtes que j'aurais aimé fracasser avec la
hache du guerrier Zoth. De beaux vêtements que j'aurais aimé déchirer à l'aide d'une tronçonneuse électrique.
Avait-on jamais vu ça? Une progéniture qui valait des millions de dirhams à
leurs parents. Dans
une brève lucidité, j'ai compris que je ne valais rien. Absolument rien. Même pas trois cents grammes de couscous. Des vêtements de marques
contrefaits. Une paire de chaussure trouée. Les clignotants de mon
scooter, fixés avec du gros scotch. Et de nombreuses cicatrices, à vous couper le souffle. C'est dès lors, que j'ai vraiment pris
conscience que j'avais intérêt à étudier hardiment.
J'ai
obtenu mon bac, un jour d'été où il faisait froid. J'étais
tellement heureux, qu'un léger vent de liberté attisait mes esprits vaillamment.
Cette béatitude me jetait dans une délectation fortuite, à l’extrémité même, de toutes mes espérances. Pendant une heure, mon père resta ainsi, comme laminé par un tracteur allemand.
Il avait du mal à y croire, au point de nous
répéter sans cesse " Le fils de Lahcen moul Taxi... a eu son bac, scientifique et avec mention bien !". Papa
était fier, si bien qu'il le cachait derrière un regard oblique, et une
bouteille de vin bon marché. De là, mon obstination entêté
pour chevaucher les péripéties d'une vie, faite jadis d'illusions, venait de débuter.
J'étais certes passionné par la philosophie, mais je voulais tenter toutes mes
chances. J'ai commencé par déposer ma candidature dans toutes les écoles, où l'admission se faisait
sur étude de dossier. Puis, dans les écoles, où l'accès était déterminé par
un concours écrit, puis orale. Cependant, quel fut mon
étonnement,
et mon indignation, lorsque j'ai pris connaissance des seuils d'accès aux
grandes écoles marocaines. Et pourtant, ce n'était pas une blague ! l’École nationale d’architecture avait fixé
son seuil d’accès à 17,27 de moyenne. l’École nationale de commerce et de
gestion avait fixé son seuil d’accès à 16 de moyenne. La faculté de médecine avait
fixé son seuil d’accès à de 15,54. Et apparemment, demain, la fac sera payante
aussi....
J'avais un 14 de
moyenne, mais je ne pouvais rien faire de ma vie. Mon père n'avait pas assez
d'argent pour me nourrir correctement. Comment pouvait-il m'envoyer à
l'étranger pour étudier à Paris-Sorbonne, ou m'instruire à
London Metropolitan University ? Comment pouvait-il offrir un tapis persan à
un haut responsable pour que mon dossier soit accepté? Comment pouvait-il contacter
le cousin à la belle sœur du
directeur d'une école de commerce pour que
je sois admis? Comment pouvait-il financer mes études dans un établissement privé?
Comment pouvait-il en être autrement? A
ce moment, dans ma chambre obscure, de loin en loin, il me semblait l’écouter, cette petite voix. La
voix de la folie. Peut être celle de la démence.
Près
de cents jeunes, étaient au rendez vous ce soir là, à l'hôtel où je suis réceptionniste.
De jeunes hommes, de très belles femmes, envahissaient peu à peu les lieux égayés,
pour célébrer la remise de leurs diplômes. Diplômés des plus grandes écoles en
Europe, ils causaient de ma jeunesse qu'ils avaient volé, d'un air insouciant. Les enfants de riches
sont-ils plus intelligents? Où va-t-on honnêtement ? Vers la matérialisation de l'intelligence ou vers la
virtualisation de l'argent? La
vérité est qu'il n'est pas seulement une question d'argent, mais de tout un système
éducatif corrompu. Il est donc évident que le
nombre de places dans les écoles supérieures est très
limité par rapport au nombre de demandes. Seuls Les abonnés
à la misère de la vie comme moi, devraient
doubler d'efforts pour avoir plus de chance de saisir un banc dans une école, ou choisir d'arpenter les aléas restreints des facultés. Je fais partie d'une race affamée, affairée, et négligée de tous, mais audacieuse, et déterminée
encore à lutter. Je tenterai à nouveau ma chance l'année
prochaine qui
sait.....Pas en tant que bachelier, mais en tant que voyou, parmi tant d'autres. Excusez moi, mais il n'y a pas assez de places pour moi. أنا ما عندي فين نقرا
Il est essentiel pour
les jeunes, avant de choisir la bonne école, de se poser plusieurs questions existentielles.
Qu’est ce que je veux faire dans la vie? Sachez bien qu' à partir d'aujourd'hui,
l'autre question à se
poser est la suivante " Qu'est ce que je vais bien pouvoir faire de ma vie sans des études supérieures ?!"
cela me plaît beaucoup!
RépondreSupprimermerci pour cet agréable moment de lecture.
On a tendance a croire que les enfants de familles aisees sont plus favorisés en ce qui concerne les etudes, que les autres ( wlad che3b) n'ont pas leur place dans nos facultes et ecoles marocaines, on entend souvent " gha wlad lprive li tay 9raw" et bien laissez moi vous dire que ce nest pas vrai, il n ya pas que les enfants des familles aisees , je suis a la faculte de medecine , et je peux vous dire que la majorite des etudiants vient decoles publiques , apartient a des familles plus ou moins modestes , ces etudiants sont souvent ceux qui ont les meilleurs resultats, et ça ne concerne pas que la fac de medecine.
RépondreSupprimerarretons de penser que des gens prennent la place d'autres, c'est des fois le cas malheureusement, mais ce n'est pas la regle generale
anonymous 7 janvier, je n'ai pas eu la chance de trouver un banc d'ecole pourquoi? je ne sais pas !!! Je suis con ? Nonn a en croire mes resultats !!! Mes amis, ah oui ces bourges se sont retrouves tous dans une bonne ecole !!! Pourquoi ? a toi de me le dire !!!! il faut etre realiste, plus tu as d'argent plus tu as de chance d y arriver alors si tu n'as pas de tune et qu'en plus tu n'as pas eu une bonne moyenne c'est difficile.
RépondreSupprimer"On a tendance a croire que les enfants de familles aisees sont plus favorisés..."
RépondreSupprimer=> toi qui es en Médecine, dis moi combien coûtent tes livres (KB, Intermémo, Poly dla Fac) ?
Le fils de mounavri peut-il aller étudier ds une autre ville et louer un logement facilement ?
Alors oui, quand on est pauvre on peut quand même réussir (g des oncles qui allaient au collège à Oujda pieds nus et qui aujourd'hui occupent des postes ds différents ministeres) mais tu reconnaitras que c très compliqué et qu'il faut une volonté de fer ! (mon oncle m'a dit "on avait le choix entre acheter des livres et acheter des sandales... on a finit pieds nus lol)
Tu me diras peut être "oui mais kaynine des bourses" : combien de personne cela concerne, et quels sont les montants de ces bourses ? les chiffres parlent d'eux-même.
Enfin, compares le taux de chômage des étudiants des écoles telles que Alakhawayn(qui coûte un max) avec celui des étudiants des écoles lambda de la même filière... Quoi qu'on en dise, les inégalités et iniquités sont tjr là !
Je ne dis pas que tout est beau dans le meilleur des mondes, je dis simplement que la cause de cet etat la nest pas la pauvrete et jen juge par ma propre experience, le probleme est que le systeme noffre pas assez de place ni pour les riches ni pour les pauvres, combien de jeunes obtiennent leur bac chaque annee? Et a cote de ca combien de places il ya?
RépondreSupprimerLe probleme est le niveau de notre enseignement marocain , qui gache des potentiels incroyables, le probleme est l absence d aide financiere aux familles qui en ont besoin, le probleme est que le systeme educatif marocain fait que pour arriver il faut une volonte de fer , alors hamid et mourad , je pense qu au fond on dit la meme chose, la difference cest que moi je pense que la cause n est pas "weld ben-machin"qui a pris notre place , la cause est que le systeme marocain ne donne pas a l eleve les outils pour prendre sa place, (nombreux sont ceux qui ont reussi les concours mais ont prefere travailler parce que les livres, le logement et le transport coutent un bras) et le fait que "benmachin " arrive alors que nous non en est la consequence pas la cause, parce que si on croit le contraire on ne fera que developper une haine contre des gens, alors qu il vaudrait mieux deployer cette energie en militant pour une cause, qui est biensur l obtention de nos droits ( que ce soit en enseignement en sante ou en justice)
bonne journée.
Vous avez tous raison de dire que le problème n'est pas seulement une question d'argent, mais aussi, de tout un système éducatif en péril, qui agonise hardiment, et beaucoup en paient le prix. Je respecte votre point de vue, et j'aimerai que l'on puisse échanger plus pour pouvoir partager nos expériences, notre façon de voir les choses et notre vécu.
RépondreSupprimerCe sujet a été traité bien plus en profondeur que vous ne le faites , les thèses de Bourdieu sur les reproductions sociales qui ont amené au système éducatif égalitaire .Ils se sont soldé par un échec cuisant , car vous semblez ignorer que la fac est le moyen le plus économique de former une main d’œuvre qualifiée bon marché.
RépondreSupprimerIl me semblerait aussi important de préciser ce que représente la valeur d'un diplôme , est il uniquement là pour justifier d'un certain savoir faire ? a t il un rôle social de hiérarchisation des individus ?
Cordialement
On ne peut pas comparer un récit, avec les travaux de Pierre Bourdieu sur le mécanisme de la reproduction sociale. Grâce à son analyse sur le rôle que peut jouer l'école dans la reproduction des inégalités sociales, il a réussi à influencer les recherches menées sur le système éducatif, d'une manière brillante. Je rejoins nombre de ses théories, puisque les sociétés sont de plus en plus traversées par de multiples inégalités sociales, ce qui a pour but d'agir, directement ou indirectement sur l’égalité des chances, quant à l'accès à l’école, et par la suite, au travail.
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RépondreSupprimerça me rappelle mon histoire
RépondreSupprimerje vous comprends parfaitement. Visitez ce lien, peut être que vous, vous en ferez quelque chose! Qui sait?
RépondreSupprimerhttps://secure.avaaz.org/fr/petition/le_chef_du_gouvernement_Marocain_M_BENKIRANE_Sauvez_les_Bacheliers_Abolissez_le_SEUIL_DU_DESESPOIR/?lCkUihb&pv=0