Chroniques d'un diplômé chemkar
Aujourd'hui j'ai dépensé 100 Dirhams. Il
m'en reste soixante. Je n'ai pas assez de volonté pour attaquer les gens dans
la rue, et leur soutirer de l'argent. Est-ce honnête, à chaque pénurie de liquidité,
l'estomac entortillé, de crever de faim, pour sauver les portefeuilles des
vrais bandits? Je suis torturé par ce choix difficile que je dois faire, mais
je reste positive pour une fois. J'ai de quoi fumer des joints pour infecter
mes esprits, puisqu' apparemment la consommation de cannabis accroitrait de
plus de 50 % les risques de développer une maladie psychique. J'ai de quoi
siroter un litre et demi de soupe aux fèves sèches à la médina, pour
désintoxiquer mon foie des pêchers absolus. J'ai de quoi déguster un soufflet
de sardines frits chez "Saïd le pharmacien", parce que la
consommation d’Oméga 3 est conseillée en cas de rhumatisme psychotique. L'aigreur
de mon estomac, altéré par la fringale, et la consommation excessive du saucisson
de chien épicé chez " Hamid Toubib" ne me gêne pas. Oh ! non, bien au
contraire, les bactéries forgent majestueusement mon système immunitaire. Les
produits périmés, ces produits impropres à la consommation, n'ont plus d'effets
sur mes entrailles....
La
vie m'a dénaturé si hardiment que je ne m'en attriste plus. Je loue une petite
chambre insalubre dans un somptueux hôtel de pierres, en ruine, où les
prostituées du coin y entrainent leurs proies, sans aucune hygiène. Des morceaux
de pain, à moitié pourris, trainent sur le lit, et, au milieu, quelques
bouteilles de bières vides s'accolent au parfum saumâtre de mes sous-vêtements
de célibataire. Mes parents qui habitent Ouarzazate, pensent que je suis
professeur de lycée, et sont loin d'imaginer ma sombre réalité, à vendre des
brins de tabacs noirs au gramme. Pourtant, je ne suis pas un dealer, poussant
les enfants à une consommation démesurée, les entrainant malgré eux, au delà de
leurs délimites, dans ces fatalités qu'on ne choisit, que sous la contrainte
d'une vie égarée. Je milite contre le mal congénital, avec le frisson détourné
d'un petit garçon, rongé par la sodomie du soir. Quand arrive le lundi matin, ma
famille me quémande de grandes sommes d'argent. Je leur verse une part pour
briguer le titre de "lmardi" et pour glorifier les choix que j'ai
fait, lorsque j'étais fou parmi les hommes. Dans notre société instructive, la
littérature classique, par la justesse de son style, et par l'harmonie de ses
propos, nourrit les esprits, mais pas l'ambition naissante d'une jeunesse
perdue. Malgré un diplôme en littérature française, je n'ai toujours pas de
quoi payer mon loyer, et rembourser mes frais médicaux. De temps en temps, au
milieu de ces aversions, je dépose ma candidature pour travailler dans un
journal indépendant, une maison d'édition imaginaire, ou une école primaire au pôle atlantique, mais en vain. D'habitude, ils affichent la même formule,
dans un élan de silence "Votre profil ne correspond pas exactement à celui
que nous recherchons".
Petit, je riais d'aise sans y voir de
mal jusqu'aux aurores. j'aimais transcrire mes réflexions sur du papier peint,
sous le crépuscule de minuit. J'aimais décortiquer les antithèses de Victor
Hugo sur les tercets de Lamchaheb. J'aimais épeler les proses poétiques,
droites et rythmées, où mes ambitions allaient souffler les étoiles au loin. Une
sorte de fièvre me taraude lorsque je me rappelle ces mémoires . On me disait
que j'écrivais parfaitement, et qu'avec ça, c'est sûr, je réussirai
un jour dans la vie. Pourtant le seul texte que j'avais réussi à écrire, n'était
qu'une simple demande de don d'argent, rédigée d'un geste de folie improbable. Peut
être qu'un jour, je serais romancier ou poète. Enfin, je serais grand !
Dostoïevski avait bien raison " vivre sans espoir, c'est cesser de
vivre"...
Depuis quelques mois seulement, j'ai un
emploi stable dans un restaurant français " Le Tâcheron". Pourtant,
si l'on voulait y manger, il fallait travailler aussi les dimanches, et les
jours fériés. Mon patron est un imminent homme d'affaire marocain, qui sait à
peine déchiffrer les additions. Un homme, dont les idées sont bonnes, et
qui ne connait de la France que le mot "macaroun" qu'il confond
généralement avec des cornes de gazelles bicolores. J'occupe un poste
des plus intéressants, avec la foi inébranlable d'une taupe hémophile. J'ouvre
délicatement des bouteilles de Merlot rouge à des députés grassouillets aux
bras de jeunes prostituées, qui critiquent fervemment la température du vin, pas
à leur goût, d'une voix aiguë. Je découpe soigneusement du magret de canard
laqué à des incultes, aux haleines crottées, qui le prennent pour du poisson lune
de Chine. Je propose péniblement des desserts à de petites bourges
boulimiques, le crâne solide, qui finiront bien par le vomir le soir même. Je
mendie astucieusement quelques dirhams à des veilles couguars esseulées, dans
un appel désespéré, à l'afflux de réfugiés maliens pour une fellation. Je
recommande habilement, l'estomac délabré, du homard pas frais à des arabes du
golf, qui me sollicitent le numéro de jeunes vierges, pour la nuit. Je reçois
jovialement des groupes étrangers, majoritairement américains, à qui je
falsifie les factures en additionnant des charges et des couverts....
Dans ce monde où l’argent gouverne
vaillamment, manquer d’argent engendre toutes les craintes de l'univers, et de
ce fait, embrouille l’horizon des corrélations, et accroit l'imagination. Je
fréquente Fatiha, une jeune serveuse dans un restaurant asiatique, depuis des
semaines. Je sais avec certitude qu'elle finira par me quitter un jour,
lorsqu'elle réalisera jusqu’à quel point je suis miséreux. Que faire, je
l'aime assez pour braver les réprobations. Je l'aime assez pour manœuvrer ses esprits. Je l'aime assez pour fureter de l'argent à la péninsule
du dragon Ball Z. Il m'arrive de transférer de la nourriture illégalement
jusqu’à mon réfrigérateur, pour ensuite lui préparer un festin digne du
Tâcheron. Il m'arrive de troquer le reste des bouteilles de vins contre
quelques grammes de hasch, que je vends onéreusement à mes acheteurs. Il
m'arrive de ramener des prostituées à quelques uns de mes clients étrangers,
pour quelques centaines de dirhams.
Ainsi,
grisé de colère, soûl, au milieu d'une jungle qui me cahote d'un frisson rouge,
je rêve de brigandage, de vol, et de tromperie. Autant valait-il croupir en prison
d'un coup, si l'on devait continuer à souffrir en silence, de faim et d'injustice. Je suis certes un poète à ses heures de gloires,
mais en escroqueries burlesques, en soustractions despotique, et en
malversations criminelles. Qui mieux qu'un poète peut parler de son art ?
J'ai substitué mes ferveurs pour Rimbaud, Rousseau, Baudelaire, et Proust
contre les péripéties des 1001 bandits, par un léger souffle de printemps. Pourquoi
la vie est elle ainsi faite? Une grande secousse emporte mes allures
d'artistes, et mes esprits de poète perdu, au loin, vers l'horizon de la
liberté , le temps d'un instant....
Un crayon à la main, je griffonne les désolations de toute
une existence. Une existence piètre, et galvaudée au scalpel de mes désespoirs.
Au dessus des flaques de myrtilles, je m'allonge délicatement sous les halos de
mes mélancolies. Je ferme les yeux, et j'halète l'effluence de mes mémoires, où
j'étais bien heureux parmi les hommes. Un univers ésotérique me taraude,
comme lorsque les corpuscules de la chaire psalmodient du Tchaïkovski. Un univers
sibyllin, et bleuté au vice des géhennes. Ne suis je pas détraquée aux vins de
l'éternité? La démence, fœtus des mes asthénies, macule ma moralité de poète damné à jamais.....
« Les poètes le sont par l’âme et
non par le savoir. L’érudition n'engendre que peu de poètes. »
Chroniques d'un poète perdu....
j'ai pleure, je me suis rappelle un ami a moi alah y rhmo qui avait un diplôme en philosophie et qui a quitte la Maroc pour s'installer a l’Étranger car il ne trouvait pas de travail. Je l'ai rencontre une fois par hasard, j'avais les larmes aux yeux il avait perdu ses dents, ses cheveux et il avait une mauvaise mine et il était chauffeur de taxi. quand je me rappelle a quel point ce gars la était intelligent, écrivait bien, je pensais qu'il allait devenir quelqu’un mais allah y n3l bou chi dnya walah. ca ma bcp touche a toi khay wael a ta memoire
RépondreSupprimerAllah yerhmou, À la mémoire de nos amis !
Supprimertouchant
RépondreSupprimerExcellente chronique, émouvante et juste.
RépondreSupprimerJ'avais fait un long commentaire mais n'ai pas su le publier
Alberte
Merci chère amie :)
Supprimertrès très très touchant car on dirait que cette chronique parle de moi y a des années. Votre ami d'oran
RépondreSupprimerj'ai beaucouq aimé , et je suis très touché par ce texte .Malheureusement cette réalité est vécue par de nombreux concitoyens diplômés et cela me désole énormément. Quel gâchis !
RépondreSupprimerOooh You're a brother man, seul toi pourrai comprendre quelle salle pute* est vraiment cette vétille de vie dénudée de sens, mais, un grand 'MAIS' je te cite : "vivre sans espoir, c'est cesser de vivre" et nous en cesserons Jamais quoi qu'il nécessitera de se la donner un sens subjectif médiocre anodin devant l'immensité des vérités absolues.Enfin quoi faire? Peut être que nous nous sommes enfin de compte que des 'survivers' spatiotemporelles".. faisant en sorte qu'on accomplie cette mission.
RépondreSupprimer*Je n'ai rien contre les putes, La langue demeure un handicape pour les anges existentiels.
Où il y a de la vie, il y a de l'espoir. La vie est une putain au pluriel basané, mais on apprend à vivre avec ! Il ne faut jamais se laisser mourir, mais respirer...humer de l’oxygène, sniffer du carburant, danser aux aurores, méditer....pour vivre, et apprécier chaque moment qu'il soit fait de vétilles, de tchoumira, ou de bling bling !
Supprimerla vie a un sens.
Supprimervivre sans ce sens ne mène à rien.absolument à rien.
Il ne faut pas lui donner son sens à soi ( par l'intermédiaire de l'amour , d'une carrière ou autre).
le vrai sens de la vie est de connaître le créateur.
Pour connaître le créateur , il faut se connaître soi-même.
Pour se connaître soi-même , il faut un maître .
Un maître n'est pas un érudit de la religion .C'est quelqu'un qui connaît Dieu ( 3arif billah).
Nice post keep adding more useful posts
RépondreSupprimerthanks
malheureusement, c'est le cas de plusieurs diplômés au Maroc :(
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