Les voyageurs de la mort
Il me semble avoir vécu plusieurs vie en une seule. De père en fils, notre misère se prolongeait, nous entrainant malgré nous au delà de nos vaillances, dans ces fatalités de rôles qu'on ne choisit que sous la contrainte d'une vie égarée. Ma mère ne parvenant à gagner de l'argent, qu'en se dévêtant entièrement devant des hommes, comprit que cette nudité interdite, me vexerait. Alors, ayant deviné que son corps, tantôt nu, tantôt allongé sous celui de ses amants d'une heure, nourrissait mes réflexions les plus criminelles; m'envoya vivre chez mon père à Casablanca. " Il me faudra vendre mes reins. Va-en maintenant, va me chercher de l'argent" s'écriait mon père, le cœur tatoué de rancœur, voulant me punir de ce qu'il n'avait pas eu, une bouteille à moitié pleine. Lorsqu'il absorbait un peu trop vite son breuvage, rouge, il gravissait ainsi, par une perte de raison, l'exaltation d'une vie, sans doute meilleure. A la l