Ramadan





À la veille du ramadan, dans mon appartement casablancais grisé de plaisirs, l'heure était unique à l'hésitation : une heure de foi à la certitude d'une chance sans fin. Toutes les croyances que mes parents m'avaient enseignées, se hissaient impudemment dans mes esprits. Les moins solides s'opposaient à ma raison. Une pléthore de conscience impropre altérée par le temps, m'embrouillait jusqu' à la psychose, tandis que mon âme touchait le vide absolu. Dois-je-jeûner, ou pas?  Encore un instant d'ambigüité, où je contemplais mes reflets dans une apothéose d'incertitudes. Un portrait de candeur, dont les yeux reflétaient les étoiles, avec ce sourire douloureux d'incroyant, tout ému d'affection, et ne pouvant réfuter ses confusions. Je n’ai pas croisé le Sheikh Kazabry à l'aéroport Charles de Gaulle, je n'ai pas aperçu Ki-Rin, la chèvre scandinave volante, et je ne cherche pas à liquéfier la graisse de mes bourrelets. C’est que mes arguments invalidés ne tiennent plus la route. Comprenez donc que mes hypothèses d'antan, dont la ruse est la spirale centrale, l'ivresse même, dans une société , où les mœurs s’éventrent de tout part. Plusieurs années que je sillonne les routes de la Thaïlande, pour y célébrer les noces de mon meilleur ami Phet dont personne n’a jamais entendu parler. Plusieurs années que j’agrippe la malaria imaginaire m’obligeant à me désaltérer avec du jus de papaye toutes les deux heures. Plusieurs années que je grignote, à plat ventre, aux petits recoins les plus sombres, me condamnant à errer tel un mystique soufi, pour le reste du mois..... 




Mon anxiété devint telle, que je fus un moment sur le point d'envoyer promener les traditions, tourmenté par la brusque idée de devoir jeuner tout un mois d'été. D'ailleurs, l'exaltation montait tellement, qu'elle couronnait cette dernière journée de lutte entre les lumières. Une canicule fiévreuse où grondait déjà l'irréfutable combat qui allait s'engager, afin de tout changer. Prendre l'avion pour Paris, ou passer le ramadan chez mes parents !  Par les rayons du soleil qui éclairaient finement le nylon de mon canapé italien, j'avais finalement décidé de jeuner. Dès lors, J'ai cru qu'il ne me restait qu' à me propulser dans les airs, à la caresse d'une voie, dont j'ignorais presque tout. Tout Casa me connaissait pour mes fêtes démesurées, mes voitures de sport fastueuses, et surtout pour la remarquable collection de femmes, que pas un homme ne manquait d'envier. Et toute cette large existence, ce luxe bling-bling, était financé par mon père. Une richesse sans cesse versatile, qui semblait éternelle comme les horizons lointains, et infinis. De la liberté, et de la jouissance, m'avaient jadis séparé de ma famille. Alors, sous cette poussée de promesses, dans ce milieu étranger, impubère pour toutes les folies dont je voulais m'absoudre, l'augmentation probable des soupçons, cette rumeur de n'être pas musulman, acheva d'enfiévrer mes inclinaisons à jamais....



C'était une heure de particulière excitation, l'heure absolue, où toutes ces heures à jeuner, devaient aboutir à une fièvre chaude de la faim. "Ahh la journée bslamtokm vraiment facile, Casa pendant le ramadan c’est un enfer, mais sberr ou kan, jeuner c'est un devoir". Lançais-je à mon père, fier de voir son fils de 38 ans jeûner pour la première fois. Que de joies, et que de larmes avaient flétri sa bonté d'homme de foi. Toutes mes cervelles étaient à l'envers. Je ne pensais plus qu' à me remplir l'estomac de cailloux de Provence. Au bout d'une demi d'heure, j'étais totalement trempé, couvert d'une sueur amer, avalant d'une chaude brume tout ce qui se trouvait à portée de main. Outre les bols de harira aux fèves, les piles de gâteaux marocains mielleux, les crêpes marocaines vierges, aux milles trous, les carafes de jus d'avocat, et les quinzaines de quiches au saumon, avec le frémissement continu d'une armée serbe au ventre. Tout y passa, il ne resta que quelques morceau de chebbakia. Je n'entendais plus, au travers des murs, monter que le silence grelotant de mon abdomen. J'étais comme au sortir d'une prison fédérale, le pouls faible, une migraine forte, mais tout excité de ce qui m'attendait. Il était en effet sans liens ni obstacles, acheminant mes appétits avec l'instinct forcené de l'homme qui ne connait d'autres achèvements que son impuissance face à la nourriture. Et je respirais fortement, d'un air d'affranchissement, haletant comme un nouveau né, estimant tout ce s'offrait à lui dans ce nouveau monde....



C'est la première fois que je jeune de toute ma vie. C'est un chemin de liberté et d'allégresse, où chacun reste libre de son bien-être, avec le temps de dresser son esprit à un niveau différent. C'est le temps d'accomplir ses devoirs. La joie de dépasser ses craintes. Le bonheur d'aimer son prochain. La gaieté de prendre part à la destinée. Mais si tous les hommes aspirent à être heureux dans cette vie, qui n'est d'autre que la joie de la vérité, d'où vient que cette même vérité cause tant de haine? 

 

Qui n'est pas l'homme des tolérances, n'est pas un homme libre.....  

Bon ramadan, que l'amour, la paix, et la tolérance règnent partout .....



Commentaires

  1. magnifique, que la paix règne partout

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    1. Très beau...
      Pour être homme libre il est primordial d être tolérant ...accepter l autre pour se retrouver soi même ...
      Chacun a sa propre conception de la vie qui nous offre une multitude de choix dans notre chasse aux sorcières ...
      A chacun donc son balai et bon ramadan....

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    2. Oui tu as raison

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  2. bn ramadan a tt les musulmans

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