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La mer des oubliés

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  Je marche, seul, sur cette étendue de sable morne, humide, fendue de sillons d’algues mortes, sous une nuit d’automne sans étoiles. Il n’y a pas une étoile. Aucune. Le ciel blême s’est vidé de toute lumière, comme s’il voulait souffler aux éternités sa pénitence silencieuse, à jamais. L’air est lourd. Le vent, âpre et salé, insuffle par bouffées, chargé d’anathèmes et de tourments. Devant moi, la mer s’ouvre comme un gouffre muet, vaste et impassible, une bête noire couchée vers l’infini, avaleuse d’âmes, insatiable. J’attends. Nous attendons tous. Les uns recroquevillés, les autres debout, le regard absent. Le passeur est là, silhouette indistincte, à quelques mètres, figé sous l’unique œil d’un projecteur suspendu dans l’obscur. Il n’a pas encore donné l’ordre. Mais il le fera. Il finit toujours par le faire. On dit que des centaines d’âmes tourmentées ont péri ici, dans ce même couloir d’eau noire, happées par les vagues, broyées par les fonds, engloutis dans un laps de tem...

Un fou parmi d'autres

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  J'ai parcouru dans ma tête plusieurs planètes, toutes différentes les unes des autres, dont la composition chimique, qui m'était inconnue, repoussait mes curiosités toujours plus loin. Loin, jusqu'aux éternités, par une indicible aménité. Pluton, Neptune, Jupiter, Mars, Vénus, parfois, j'allais jusqu'à fureter les galaxies de Seifert, sous la quiétude des étoiles bleutées. N'avait-il pas raison, Victor Hugo, en disant que bien lire l'univers, c'est bien lire la vie ? J'ai approuvé des hypothèses puisées dans des livres, et dont la complexité m'attirait hardiment. J'ai contesté des théories ambiguës, que tous semblaient partager. J'ai délaissé délicatement les observations d'un univers dont j'ignorais tout, pour livrer mon esprit à l’émotion plaisante que produisait sur moi l’ensemble de ce cosmos. Un cosmos vaste, comme les halos des flots, où les étoiles, se dilatant au loin, allaient enlacer les infinis avec soin. Ma premièr...

La Vallée des Damnés

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  J'étais enfin revenu à la vie. Une vie misérable, chipotée par l'affliction, et desséchée sous le poids de mes mélancolies. Mon cœur s'était remis à battre brusquement. Un cœur noir, secouant mon âme doucereuse d'un frisson rouge, qui m'obligeait à me réveiller, par crainte de céder à l'envie de repartir. Repartir, loin, vers des horizons où le temps se dissout, jusqu’aux confins des éternités. Repartir, m’enfoncer dans la terre, m’y perdre dans le silence oppressant, englouti dans ses entrailles sombres, où tout s’éteint et se fane, là où les rêves n’ont plus de voix. Guidé par l'effluve des immortalités, je sentais les particules d'oxygène envahir mes narines, et le flot du sang parcourir mes veines, tandis qu'une lourde raideur pesait sur mon âme éreintée. Une âme naïve, d'une nature douce agonisant en secret de n'avoir pas su trouver le bonheur. Un léger souffle glacé agrippait mon esprit dans la même mouvance que lorsque je fouillais...