L'Atlas des inconnus
Peu à peu, la nuit se vêtait, infinie, enveloppant le village d'Aghdou de sa quiétude profonde. Les pieds gelés, je marchais dans l’obscurité, d’un pas désespéré, au cœur d’un Atlas blanc, emporté par un élan de rancune noire. Rouge, également. Le ciel, d’une pâleur quasi lunaire, semblait se moquer du sort des hommes et des bêtes, les soufflant sur le chemin, là où les hauteurs du douar d'Anfgou se dessinaient, encore plus âpres sous la brume glacée. Les chemins devenaient étroits. Étroits, et périlleux. J'avais encore sept kilomètres à parcourir, l'estomac creux, les mains vides, sans pouvoir bafouiller d'autres paroles d'excuses à mes enfants, accablés. On ne distinguait plus cette crainte obsédante de tomber du sommet du mont, en marche, qui se glissait adroitement, on la sentait si douce, dans la morosité d’une pauvreté sans fin. Le froid, qui soufflait si fort, affûtait en une masse brune, exaltant les esprits les plus robustes, vers une mort assurée