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L'Atlas des inconnus

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  Peu à peu, la nuit se vêtait, infinie, enveloppant le village d'Aghdou de sa quiétude profonde. Les pieds gelés, je marchais dans l’obscurité, d’un pas désespéré, au cœur d’un Atlas blanc, emporté par un élan de rancune noire. Rouge, également. Le ciel, d’une pâleur quasi lunaire, semblait se moquer du sort des hommes et des bêtes, les soufflant sur le chemin, là où les hauteurs du douar d'Anfgou se dessinaient, encore plus âpres sous la brume glacée. Les chemins devenaient étroits. Étroits, et périlleux. J'avais encore sept kilomètres à parcourir, l'estomac creux, les mains vides, sans pouvoir bafouiller d'autres paroles d'excuses à mes enfants, accablés. On ne distinguait plus cette crainte obsédante de tomber du sommet du mont, en marche, qui se glissait adroitement, on la sentait si douce, dans la morosité d’une pauvreté sans fin. Le froid, qui soufflait si fort, affûtait en une masse brune, exaltant les esprits les plus robustes, vers une mort assurée

Lala Chama

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  Les jours défilent, dit-on, mais aucun ne se ressemble vraiment. Ah, n’y comptez guère ! Il est des jours où l’on se surprend, captif, pris au piège d’une éternelle redite, où chaque scène se rejoue comme un tableau aux couleurs fanées, étouffé par un ennui âpre qui ronge les âmes égarées jusqu’à l’os. Autrefois, les sages, d’un ton posé, affirmaient que l’ennui, tout comme les passions, savait frapper plusieurs fois la même âme perdue, l’enserrant d’un mal funeste, la condamnant aux douleurs éternelles. Que leurs discours ne soient pas mis en doute ! Mais d’autres, à la manière d’un d’Aurevilly, rétorquaient que les passions causaient moins de tort que l’ennui, car si les passions, par leur nature, s’épuisent avec le temps, l’ennui, lui, se gonfle et s’étend, jusqu’à éclipser tout éclat de vie. Veuve, sans mari pour me soutenir, sans le moindre sou à serrer dans ma main tremblante, engluée dans des paris perdus d’avance et des dettes jusqu’au cou, j’ai vu le destin me résister â